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" 2005, la compétition d'escalade fête ses 20 ans "

 
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Depuis des semaines, des mois ou des années que vous dévorez des magazines d’escalade, la compétition n’a plus de secret pour vous.
Voici un moyen de pouvoir tester l’étendue de vos connaissances.

Quizz

Serre Chevalier
François Legrand
Laurence Guyon

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On n'a pas tous les jours 20 ans


Les compétitions d'escalade de difficulté sont nées il y a tout juste 20 ans à Bardonecchia, non loin de la frontière italo-française.

A l'époque, cela a provoqué un cataclysme dans un microcosme cultivant sa singularité et très hostile à l'idée de pratiquer à terme un sport comme les autres. Cependant, malgré un appel au boycott des grimpeurs les plus médiatisés, connu sous le nom du "Manifeste des 19", les meilleurs mondiaux d'alors, et même des signataires du Manifeste, se rendent sur place pour s'affronter. Et c'est Stefan Glowacz qui s'impose. Patrick Edlinger, le père de la médiatisation de l'escalade, devra attendre l'année suivante à Arco, devant un plateau très fourni, pour prendre sa revanche.

Au début les règles sont floues. On hésite entre prendre en compte le temps passé sur la voie, le style, la plus haute prise atteinte ou la combinaison des trois. Cela donne lieu à des contestations sans fin.

La compétition qui a lieu peu de temps après à Biot en Haute Savoie provoque de telles dégradations (taille de prises, arbres coupés pour installer les spectateurs, déchets de ces mêmes spectateurs,...) et de telles tricheries (observation et essais des voies avant la compétition par certains) que des voix s'élèvent pour que ces épreuves ne se déroulent qu'en intérieur.

C'est donc dans les gymnases que vont désormais s'enfermer les compétitions à l'exception notable des masters de Serre Chevalier et d'Arco qui resteront en extérieur malgré certaines éditions pluvieuses.

Si les Masters internationaux voient le jour en Italie, en France, puis en Espagne, aux Etats-Unis, en Angleterre, reste à constituer un règlement international, un système de sélection fiable pour les meilleurs athlètes nationaux, et des circuits nationaux.

Devant l'ampleur de la tâche pour structurer ce sport comme n'importe quel autre sport, les esprits s'échauffent à la fédération française de la montagne (FFM). Certains claquent la porte et constitue la fédération française de l'escalade (FFE) qui retournera dans le giron de sa fédération mère pour constituer la fédération française de la montagne et de l'escalade (FFME) et ce à la demande très insistante du ministère de la jeunesse et des sports.

Au niveau international, l'Union internationale des associations d'alpinistes (UIAA) se montre incapable de fédérer les nouvelles structures nationales et d'éditer le moindre règlement.

Il faut dire que les opposants à la compétition sont nombreux. Pour les cafistes tenant d'un alpiniste de conquête, majoritaires au sein de la FFM, s'affronter sur des murs d'escalade n'a aucun sens. Pour les grimpeurs, transformer une activité de liberté en une pratique sportive ayant pour finalité de délivrer des médailles et des titres en dénature l'esprit.

C'est donc dans cet environnement particulièrement hostile qu'une poignée de représentants de clubs et de fonctionnaires mis à disposition par l'Etat vont structurer l'escalade comme le sont les autres sports.

Au fur et à mesure que des murs voient le jour dans toutes les régions de France, s'organisent des championnats départementaux, régionaux, inter-régionaux. Peu à peu, on rentre dans un système visant à créer un circuit crédible qualifiant pour le championnat de France. Le championnat de France devenant alors le lieu de détection et de sélection des meilleurs grimpeurs nationaux pour le circuit international.

La crédibilité d'un sport passe par l'existence d'un vrai circuit international et non par des masters épisodiques. Pour cela, l'effort de structuration doit dépasser les frontières. Il existe en Italie, en Espagne, en Allemagne et en Belgique des circuits nationaux crédibles. Mais tous les continents et tous les pays sont loin d'être présents ou représentés.

L'escalade est un sport qui concerne quasi exclusivement l'Europe de l'Ouest. Cela se voit, cela se remarque même si quelques individuels brillants représentant le Japon ou les USA. Les grimpeurs qui font rêver en solo sur les plus belles parois du monde ne provoquent plus la même émotion quand ils s'enferment dans des gymnases. Les médias qui ont aimé Patrick Edlinger, Isabelle Patissier et Catherine Destivelle quittent le navire. Les sponsors aussi. Les portes de l'olympisme se ferment. L'escalade est condamnée durablement à rester un sport marginal.

Côté vedettes, les têtes changent rapidement. Le niveau évolue. Vite, très vite. Le 6c/7a des premières finales femmes devient 7b, 7c puis 8a. Les hommes enchaînent même du 8b. Patrick Edlinger cède le devant de la scène à ses rivaux du début puis à un petit jeune talentueux qui dominera l'activité près de 10 ans : François Legrand. Cet homme a tout gagné, tout dominé, tout inventé pour l'entraînement. Mais il n'est pas jugé assez « médiatique » même si son parcours est atypique et exceptionnel. Depuis personne ne semble prendre durablement la relève.

Chez les femmes, les Liv Sansoz, Katia Brown, Angela Eiter, Sandrine Levet et Muriel Sarkany n'ont jamais réussi à faire oublier Isabelle Patissier et Catherine Destivelle. Pourtant leur niveau est incomparablement plus élevé.

Le règlement change aussi. Il est rédigé peu à peu à l'initiative des Français. Un travail remarquable est accompli. La fédération forme des arbitres régionaux, nationaux, internationaux. Des juges de voie et des ouvreurs aussi. Le règlement sportif se conforme au droit public français, au règlement international de lutte contre le dopage.

Le dopage touche-t-il l'escalade ? Des rumeurs circulent. Les athlètes de l'ex-URSS sont soupçonnés. Mais c'est un grimpeur américain et pas des moindres qui est contrôlé positif...au cannabis.

La compétition de bloc a vu le jour bien plus tard. Plus dynamique, rythmée, plus proche de la gymnastique, elle a rencontré un succès immédiat auprès du public même si les blocs sont très éloignés de ce que Dame Nature propose. Une génération a remplacé ceux qui ont contribué à faire reconnaître cette activité spécifique.

Au vu de cet historique, il reste difficilement compréhensible que l'escalade ait pu rater son examen de passage sur la scène médiatique. Ce handicap pèse lourd dans le développement et la reconnaissance de ce sport. Il a pour conséquence de priver les athlètes d'une manne financière qui leur permettrait de vivre de leur sport. C'est loin d'être le cas aujourd'hui où les meilleurs mondiaux gagnent souvent moins que des smicards. Les explications sont complexes...et toutes simples. L'escalade est un sport jeune. Très jeune. 20 ans seulement et la tâche accomplie par les dirigeants français qui ont tiré le mouvement vers plus de crédibilité est énorme.

Le chemin à parcourir pour une vraie reconnaissance internationale est long. Il faut encore développer l'escalade sur tous les continents, puis convaincre les dirigeants du CIO d'accepter l'escalade dans le clan très fermé des sports olympiques. Pourquoi pas ceux d'hiver ? Ce serait alors une manne financière importante à laquelle aurait accès alors la fédération française et qui donnerait un coup de fouet au développement de ce sport. Les structures d'escalade sont plus nombreuses, les cadres compétents sont présents. Pour convaincre le CIO, il faudra peut-être dynamiser le spectacle, ce à quoi les compétiteurs ont toujours été opposés. Et qui sait, dans 20 ans, l'escalade sera alors la grande rivale de la descente à ski pour l'audimat des Olympiades d'hiver. Mais d'ici là, le chemin est long.

Stéfan Lambert

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