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7 + 8     1789 straight ups in Fontainebleau   -   Interview Bart van Raaij

 

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Mise à jour du topo à Apremont
(photo Irma Bergmans)

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A la suite de la sortie de son topo 7+8 en décembre 2007, Bart van Raaij a accepté de répondre à quelques questions, une manière de mieux connaître son travail et de mieux le connaître en temps que bleausard.

(photo Dennis Teijsse)     

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- Pourrais-tu te présenter en quelques mots et nous dire ce que représente Bleau pour  toi ?

Trouver mon chemin en forêt de Fontainebleau m’est plus facile qu’à Rotterdam où j’habite et travaille. Ici, je sais juste où déposer mes enfants (2 et 5 ans) à l’école, où apporter mes épreuves graphiques lorsqu’elles doivent être imprimées, comment me rendre à la salle d’escalade et où aller avec ma compagne Irma Bergmans pour boire un bon café ou déjeuner. Dans la Forêt Domaniale de Fontainebleau et ses environs, je connais toutes les routes, tous les chemins, tous les sentiers conduisant à un beau bloc.
J’ai fait mes premiers blocs à Bleau en 1988 et à ma troisième visite en 1992, j’ai sorti la Vie d’Ange, mon premier 7. J’étais fier ! A cette époque j’étais un falaisiste et c’est seulement à partir de 1997 que j’ai commencé à apprécier le bloc. En 1998 j’ai sorti la première classique qui me faisait rêver depuis ma première visite : l’Aérodynamite. J’ai découvert que les blocs durs me convenaient mieux que les voies dures en falaise. Surtout, j’y prenais plus de plaisir. Depuis lors et jusqu’à aujourd’hui j’ai dû venir plus de 125 fois à Bleau et j’ai voyagé dans les principaux sites de blocs du monde. Bien que ces sites soient magnifiques, j’adore revenir dans le plus grand et le plus varié de tous : Fontainebleau.

- Comment est venue l’idée de réaliser un topo (7+8 en 2002) ainsi que sa mise à jour qui  vient de paraître ?
En 2000, j’avais enchaîné tous les circuits du Bas Cuvier ainsi que les plus beaux circuits rouge des autres secteurs. J’ai alors commencé à me concentrer sur les blocs plus difficiles. La plupart du temps, j’oublie de m’échauffer correctement et après un ou deux blocs faciles je commence à grimper (disons essayer) des blocs en 7. J’ai fait mon centième bloc en 7 et mon premier 7c+ cette année-là et ce qui me manquait le plus, c’était une liste complète et précise de tous les blocs dans les septième et huitième degrés. Le topo en anglais de Stephen Gough n’était pas à jour et ma copie était complètement raturée avec mes propres ajouts. Le guide violet de Jacky et Jo était un bon remplaçant mais toujours incomplet. J’ai trouvé le site web d’Eric Lucas 7ableau et j’ai utilisé sa liste comme base de ma propre liste de projets et de rêves à venir. J’ai acheté tous les topos existants et j’ai travaillé sur ma liste jusqu’à ce qu’elle soit aussi complète et précise que possible.
Des grimpeurs ont commencé à me demander une copie de ma liste et c’est comme ça que l’idée m’est venue de faire un guide. Pourquoi ne pas réunir toutes les choses que j’adore faire ? Grimpe, design graphique, photographie, dessin de cartes, s’amuser entre amis, faire des listes et publier mon propre livre ? En février 2001, j’ai fait un test pour voir s’il me serait possible de dessiner tous les secteurs. J’ai rassemblé tous les topos d’Apremont (est) que je possédais et avec Bernard Kroes et ma liste je suis allé sur place pour faire ma propre carte. Mon but était d’achever la carte de ce secteur complexe en une journée. Ce jour-là j’avais six versions différentes conduisant toutes à Onde de Choc ! Mais juste avant la tombée de la nuit, j’avais dessiné tous les blocs. Cela m’avait convaincu qu’il était possible de réaliser un topo de l’ensemble des secteurs de Fontainebleau dans un temps raisonnable.
Tous les séjours suivants à Bleau furent consacrés à la réalisation de mon topo. Le projet nous conduisit mes amis et moi à tous les blocs en 7 et 8 dont j’avais connaissance. Nous avons découvert des secteurs magnifiques que nous n’avions jamais vus et nous grimpions principalement pour le livre : des blocs qu’il nous fallait vérifier ou dont il nous fallait une photo. Une fois le travail terminé, Frank Bogerman offrit de payer la moitié des frais d’imprimerie ce qui permit au livre de sortir.
La première édition fut un grand succès et tout fut vendu en trois ans. J’ai reçu un grand nombre de réactions positives, du monde entier. Mon projet personnel était devenu un succès international et Frank et moi avons récupéré la grosse somme d’agent que nous avions investie. Cela fait très plaisir quand votre travail est apprécié, et en tant que designer graphique c’est génial lorsque les lecteurs apprécient tout particulièrement la mise en page et la qualité des cartes et des topos. Personnellement, je n’ai jamais utilisé mon livre. J’ai continué à travailler sur ma liste, mes cartes et mes topos et je vais toujours en forêt avec mon cahier mis à jour. Le livre était épuisé en 2005 mais les gens continuent de m’en demander et les magasins n’ont pas arrêté de passer commande. Voilà pourquoi la décision de faire une mise à jour ne fut pas difficile à prendre.

- Pourquoi avoir fait le choix des voies à partir du 7 ?
Grimper dans le 7a et plus, c’est ce que j’aime faire. De même, je ne considère pas comme un boulot de marcher des heures pour trouver un seul beau bloc en 7. Parfois je me lève tôt pour aller me balader dans des endroits reculés de la forêt et trouver juste un seul rocher avec deux voies. Je sais que peu de grimpeurs choisissent de grimper ces blocs introuvables. J’ai passé la plupart de mon temps à la recherche des blocs les moins parcourus. Je veux que mon guide soit complet et je veux montrer qu’il y a autre chose que le Bas Cuvier.

Je peux être très heureux quand je m’assois sous un bloc que j’ai enfin fini par trouver. Je savoure le silence, la vue et le fait que mon livre sera un tout petit peu plus complet et plus précis. Ensuite je me dépêche de retourner là où sont mes amis car je veux aussi grimper. Maintenant que j’ai vu tous les blocs les plus durs, je sais sur lesquels je veux grimper. J’ai fait mon topo par passion et non pour des raisons commerciales. C’est pourquoi ce livre ne contient que ce que j’ai envie d’y trouver : la liste complète de tous les blocs durs avec l’information sur leur emplacement et leur réalisation. Pas d’informations touristiques, pas de traversées, pas de circuits. Il serait impossible de faire un topo avec tous les blocs à tous les niveaux de difficultés. Peut-être dans le futur, lorsque je ne pourrai plus grimper du 8a, je sortirai un 6+7 ou même un 5+6. Pour l’instant établir la liste de tous les blocs en 6 ne me dit rien, bien que commercialement parlant ce soit sans doute plus intéressant !

Maunoury "Bagheera" 7c
(photo Dennis Teijsse)

- Peux-tu nous parler des améliorations par rapport à l’édition de 2002 ?
L’édition 2002 a eu beaucoup de succès et je n’ai pas entendu beaucoup de critiques concernant la présentation générale et la disposition. C’est pourquoi l’édition 2008 n’est rien de plus qu’une mise à jour complète. J’ai reparcouru tous les secteurs pour corriger les topos et ajouter les nouveaux blocs. La mise à jour des cartes a également demandé beaucoup de travail.
Des villages se sont agrandis, des routes ont changé de numéro, des ronds-points ont été construits et des GR ont disparus. J’ai ajouté environ 30 nouveaux secteurs et la plupart des photographies sont nouvelles. Il y a moins d’espace dans le livre et les photos sont plus grandes et plus nombreuses. Je suis également fier du nombre de grimpeuses apparaissant sur les photos.
J’ai fait quelques petites modifications et quelques ajouts. Il y a des infos en bas de la page de gauche permettant de se retrouver plus facilement dans le livre et j’ai modifié les étoiles car les gens n’arrivaient pas à distinguer les deux sortes d’étoiles que j’utilisais. Comme ajout on trouve également des informations environnementales pour certains secteurs et une liste de 34 traversées.
De l’extérieur, il y a également quelques changements. Une nouvelle qualité de papier permet des photos de meilleure qualité et en plus ce papier est plus écologique. La couverture plastique a un nouveau look et j’ai ajouté un marque-page pour des raisons pratiques.
Je suis un peu déçu par quelques photos qui ressortent trop sombres. Dans mon premier topo certaines photos étaient par contre trop claires.

- Tu parles de ta collaboration avec le site web Bleau.info, peux-tu nous en dire un peu plus ?

Sans bleau.info je n’aurais pas pu le faire! Bleau.info a démarré il y a longtemps à partir de ma liste initiale. C’est pourquoi j’y apparais comme l’un des éditeurs. Aujourd’hui le site est mis à jour quotidiennement à partir d’infos de grimpeurs du monde entier. J’utilise leurs avis sur les cotations lorsque j’ai un doute concernant la difficulté d’un bloc. La plupart des nouveautés proviennent du site web car les nouveaux blocs et les nouveaux secteurs y sont annoncés. Jean-Pierre Roudneff, qui est très actif sur le site, m’aide lorsque j’ai une question concernant un bloc particulier. C’est génial que les grimpeurs puissent accéder à toute cette information gratuitement sur bleau.info et lorsque j’ai une correction ou un ajout à signaler je contacte Jean-Pierre Roudneff. Mais mon livre n’est pas la version imprimée du site web. Il y a aussi beaucoup de différences ! Bien sûr j’ai aussi consulté d’autres sites web, des magazines d’escalade français et j’examine chaque topo qui est publié !

Bas Cuvier ouest "L'Introuvable" 7b+
(photo Dennis Teijsse)

- Le fait de résider au Pays Bas n’a-t-il pas été un obstacle ?
Je dois faire 500 kilomètres pour rejoindre la forêt. Si on a de la chance, ça nous prend 4 heures et demie. La plupart du temps on arrive le vendredi soir. On grimpe le samedi et le dimanche puis on repart vers 18h. Je fais les 1000 km une ou deux fois par mois. Je fais toujours le trajet avec mes amis, on s’amuse beaucoup ou bien on se tait pendant des heures. Compter les heures ou les litres de gasoil nécessaires à mes topos me rendrait fou, je n’ai donc jamais essayé. Une fois j’ai calculé les heures passées et mes dépenses pour le bloc le plus dur que j’ai enchaîné, mais heureusement j’ai oublié.
Ne pas être un bleausard peut être aussi un avantage. Je ne raisonne pas comme un local ; je conçois mes topos pour des grimpeurs ne connaissant pas la forêt. C’est sans doute pourquoi je consacre tant de temps à dessiner des cartes claires et décrire comment trouver un bloc.
Ce n’est que ces dernières années que j’ai rencontré des bleausards comme Jacky Godoffe, Jo Montchaussé, François Louvel ou Jean-Pierre Roudneff et j’aimerais rencontrer quelqu’un comme Stéphan Denys. J’ai fait la première édition sans aucune aide des bleausards. Pour cette seconde édition, ils m’ont un peu aidé et dans l’éventualité d’une troisième édition j’apprécierai vraiment leur contribution. Par exemple dans une liste de traversées un peu plus "professionnelle" et pour de meilleures informations sur les ouvertures (nom et année).

- Ton topo est présenté en format paysage, pourquoi ce choix ?

Il y a plusieurs raisons à cette décision.
La plupart des secteurs ont une forme 'horizontale' car beaucoup de lignes de crête ont une orientation est-ouest.
Une présentation paysage me permet de présenter toutes les cartes et topos sur une page avec le nord orienté vers le haut.
Pour moi c’est la raison la plus évidente de créer un topo de Bleau en format paysage. Une autre raison est l’occasion fournie de mettre toute l’information concernant un bloc sur une seule ligne de texte, y compris pour un livre relativement petit.
Pour la même information dans un livre au format portrait, le topo aurait été plus épais (donc plus cher) et moins lisible.
Quand je prends des photos de grimpe, je préfère le format portrait. Un topo au format paysage me permet d’agencer plus facilement photos, topos, cartes et autres images.

Rocher du Général "Leak End" 6c+
(photo Irma Bergmans)

- La photographie prends une place importante, peux-tu nous parler des choix que tu as fait, notamment le choix du noir et blanc au détriment de la couleur ?
Les photographies rendent le topo plus attrayant et montrent au lecteur ce que peut être le bloc à Fontainebleau. Mais les photos ne sont pas seulement là pour la décoration. La plupart d’entre elles aident le lecteur à situer les blocs qui ne sont pas faciles à trouver. C’est pour cette raison que je voulais une photo, par exemple, de l’Introuvable ou de Hotline. Sans ces images, ces blocs sont bien plus difficiles à trouver car vous ne savez pas à quoi vous attendre. En plus, si l’apparence du bloc ne vous plaît pas, vous n’avez pas à perdre de temps à le chercher ! Il y a pas mal de photos de secteurs inconnus ou non balisés dans ce livre car les blocs y sont d’autant plus difficiles à situer.
Avec les photos, j’essaie également de motiver les grimpeurs en montrant la beauté de ces blocs. Le système d’étoiles donne une appréciation et présente les meilleurs blocs d’un secteur. J’ai fait en sorte de refléter tous les styles de grimpe et tous les niveaux de cotation. Bien sûr ces photos représentent les amis avec qui je grimpe. Ces grimpeurs m’ont tous aidé à la réalisation de ce livre et les montrer est une façon de les remercier.
Je suis un grand amateur de photographie en noir et blanc et il est plus facile de composer une page lorsque toutes les images sont de la même couleur. Imaginez des photos prises à toutes les saisons par plusieurs appareils et à différentes heures du jour. Tous les originaux sont de styles différents et donc difficiles à composer esthétiquement. Puisque je veux que les photos apparaissent près de leur description et que je choisis des blocs spécifiques, je ne peux pas simplement composer les images qui vont bien ensemble. En plus de tout ça, l’impression en couleur est bien plus chère.

- La topographie de la forêt étant assez complexe, notamment pour certains massifs  comme Apremont, quelles méthodes as-tu employées pour le tracé des différentes  cartes ?
D’abord je rassemble toute l’information que je peux trouver. Je compare les topos et les blocs et je fais un croquis approximatif à la maison.

Ensuite je choisis un circuit pour m’orienter.
A l’aide de ce croquis et de ma boussole je parcours le secteur et je corrige jusqu’à ce que je sois satisfait.
J’ai personnellement vu tous les blocs décrits dans mon livre et j’essaie de grimper tous ceux au sujet desquels j’ai des doutes. De temps à autre, je grimpe au sommet d’un bloc haut pour vérifier les proportions et l’orientation à l’aide de ma boussole.
A la maison, je numérise mon croquis, puis revisite les secteurs les plus complexes de nouveau pour corriger les erreurs et grimper quelques blocs supplémentaires…
Lors de cette seconde visite, je fais attention aux chemins, sentiers et autres points remarquables qui pourraient être utiles.
Il y a juste quelques secteurs que j’ai dessinés sans autre information : Recloses, Mont Simonet, Boigneville, Roche aux Sabots (sud), Petit Montrouget et Haute Pierre.

Franchard Cuisinière "Soirée Brésilienne" 7b
(photo Dennis Teijsse)

- La première édition ne recensait pas de traversées. Dans ce nouvel ouvrage tu en as sélectionnées 34. Pourquoi ce choix de les faire figurer et pourquoi seulement si peu ?
Comment les as-tu choisies ?

Je n’aime pas grimper sur les traversées, particulièrement les allers et retours et autres "jeux". Pour moi le bloc est comme la falaise : vous essayez d’atteindre le sommet par la voie la plus directe. C’est la raison principale pour laquelle je ne décris pas les traversées.
En plus je ne m’y connais pas suffisamment ; lesquelles ont une cotation traversée et lesquelles une cotation bloc ? Où commencent-elles et où sortent-elles ? A-t-on le droit aux prises du haut ? La plupart des topos sont imprécis à ce sujet. Les seules traversées que j’aime ont un départ évident, une belle ligne et une sortie logique par le haut. Certains grimpeurs ont été déçus par mon choix de ne pas décrire les traversées dans mon premier livre. J’avais un peu de place libre dans la seconde édition et j’ai décidé de lister les traversées les plus dures, les plus classiques et les plus logiques des secteurs déjà décrits.
J’avais remarqué la plupart d’entre elles lors de mes recherches de blocs les plus durs et je m’en étais souvenu pour leur beauté. Le système des étoiles sur bleau.info m’a beaucoup aidé pour cela. Quand j’ai rencontré Thierry Guéguen par hasard, je lui ai soumis ma liste et il m’a suggéré quelques modifications. Mais je dois avouer que ma liste de traversées est celle de quelqu’un qui n’y connait pas grand chose.

- 1789 un hasard ?
Une semaine avant de mettre sous presse j’avais 1791 blocs identifiés dans mon livre (exceptions faites des traversées, des variantes et des quelques 6c+ qui sont également listés). Je pensais qu’un total de 1815 blocs (soit 700 de plus que dans la première édition) serait bien mais je n’ai pas pu atteindre ce nombre. Dennis Teijsse m’a proposé ce nombre spécial de 1789. Un 'cadeau' pour les grimpeurs français. J’ai décoté deux 7a sur lesquels j’avais déjà des doutes à 6c+ pour atteindre ce nombre…

- Un petit mot pour conclure ?
Je voudrais remercier tous mes amis qui m’ont aidé à réaliser cette seconde édition. Ils ont investi un temps précieux à grimper ! Je suis également très reconnaissant pour toutes les réactions positives que j’ai eues. Je veux également remercier tous ceux qui ont rendu ce projet possible sans le savoir. Ceci inclut les auteurs de tous les autres topos et de sites web concernant Fontainebleau. Et qui sait, par leur attitude positive ils m’encourageront peut-être à envisager une troisième édition ! Ce ne sera pas avant 2012 et j’aurai alors 43 ans. Bien que beaucoup de forts bleausards soient plus âgés que cela, je ne sais pas si je serais autant en forme qu’eux à cet âge.

Photos : Copyright Bart van Raaij
Traduction française : Jean-Pierre Briand


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